Le coureur franc-comtois va raccrocher son vélo à la fin de l’année. L’occasion pour lui de mesurer sa popularité incontestable sur les routes du Tour.
Par Adrien Mathieu
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L‘annonce de sa retraite le 12 janvier dernier a mis en émoi le monde du cyclisme. Face à Thibaut Pinot, personne n’est indifférent à sa personnalité unique dans le peloton et ses nombreux coups d’éclat qui ont animé la dernière décennie. S’il n’a jamais pu aller au bout de son aventure dans le Tour de France, à l’image de 2019 où, bien placé à quelques jours de la fin, il a dû renoncer en raison d’une blessure musculaire, le coureur de la FDJ restera comme l’un des protagonistes majeurs du vélo français.
Une retraite prématurée mais bien ficelée
Pour Luc Leblanc, ancien coureur professionnel et champion du monde en 1994, le timing de ce départ est compréhensible. Il explique au Point pourquoi le Franc-Comtois a raison de ne pas trop tirer sur la corde. « Thibaut est arrivé à un moment où il veut passer à autre chose. C’est un garçon qui a toujours été exemplaire dans sa carrière, sur le vélo, mais aussi humainement. Il n’a jamais eu un mot au-dessus des autres, il a bien géré sa popularité. »
Et c’est justement sa notoriété qui épate. Même s’il n’a pas le plus gros palmarès du cyclisme moderne en France, Thibaut Pinot a derrière lui de nombreux fans qui le soutiennent contre vents et marées. Sur Twitter, le Collectif Ultras Pinot, en référence au groupe de supporteurs parisiens, a été créé en 2020 et rythme l’actualité du coureur avec assiduité et parfois légèreté.
Avec une ferveur semblable à celle du ballon rond, l’un de ses créateurs, Rémi, nous explique pourquoi le coureur de 33 ans est devenu une idole. « Quand il est arrivé chez les professionnels, ses premières performances ont amené l’espoir d’une victoire française sur un grand tour. Il a été désigné comme l’élu et il n’était pas loin de le concrétiser. » Le style du coureur, identifiable et surtout inimitable, a su ainsi séduire. « Ses victoires principales, il est allé les chercher sans calculer. Thibaut sait aussi courir en se réservant, mais il a une manière particulière de courir, il a de la hargne dans son coup de pédale et son visage n’est pas impassible. »
« On a envie de prendre l’apéro avec lui »
Mais au-delà du Pinot qui ne lâche rien et anime les courses, c’est surtout sa personnalité atypique qui fait l’unanimité, selon Rémi. « Au niveau de l’homme, ce qui plaît avant tout, c’est l’impression qu’il est comme nous, on a le sentiment de supporter un ami, un proche, un mec de ton village. Il est toujours resté accessible, on a envie de prendre l’apéro avec lui. »
Et derrière ce portrait d’un Thibaut Pinot abordable, émerge aussi le sentiment d’un coureur anachronique qui n’est pas à sa place dans un sport où tout est réglé au détail près avec les oreillettes et les capteurs de puissance. « On a senti qu’il était en marge de ce monde professionnel, indique Rémi. Il a dit lui-même qu’il aurait été meilleur avec un cyclisme moins aseptisé, il regrette ses premières années car ce sport a énormément évolué entre le début et la fin de [sa] carrière. Son histoire dans le vélo n’est pas à banaliser : il a beaucoup de victoires mais aussi des désillusions, Thibaut Pinot nous renvoie à nos propres failles. »
Un Giro réussi pour le booster
Pour Marc Madiot, son directeur sportif de toujours, pas question pour autant de jouer la carte sensible à l’heure de démarrer ce Tour de France 2023. Du côté du patron de la FDJ, on affirme que la décision de retenir Thibaut Pinot pour son ultime Grande Boucle reste dictée par une logique sportive et non pas par sa popularité. « On a vraiment essayé de faire abstraction de tout ça. Je ne voulais pas me baser sur des trucs comme “Le public le veut”, etc. » Ce que je voulais, c’étaient des garanties sportives. Uniquement cela », a-t-il expliqué à Ouest-France.
Et dans ce sens, un Pinot compétitif qui va accompagner son leader David Gaudu, peut être un avantage à plusieurs niveaux, selon Luc Leblanc. « Forcément, je regrette qu’il arrête, mais vu que c’est sa dernière saison, il peut être totalement libéré dans sa tête. Pourquoi pas profiter des favoris qui vont se regarder ? Il peut tirer son épingle du jeu. Gagner le Tour serait un truc de malade mais ça reste dans ses cordes. »
Un tel scénario ne déplairait évidemment pas à ses fans, qui attendent avec impatience de le suivre pendant trois semaines sur les routes du Tour. Avec sa cinquième place et le maillot du meilleur grimpeur lors du dernier Giro, Thibaut Pinot a retrouvé des couleurs en Italie. De quoi le mettre sur un petit nuage pour son baroud d’honneur ?
KABDEL MEDIA