Anthony Afflelou : « Deux paires de Magic sont vendues chaque minute ». 

Interview | Le groupe Afflelou affiche de fortes ambitions pour l’exercice en cours malgré un contexte économique morose. Doté de 800 magasins d’optique et de 380 centres audio, dont 90% repose sur le modèle de franchises, la société souhaite ouvrir 50 nouvelles boutiques en 2024.

Ces derniers mois ont été synonymes de changement pour le groupe Afflelou. Anthony Afflelou, le benjamin de la famille en a pris les rênes. La société a aussi choisi de réunir ses activités d’opticien et d’acousticien et elle a lancé un service de téléconsultation dans plusieurs dizaines de magasins. Pour Forbes France, le nouveau PDG passe en revue les nouveaux choix stratégiques de son groupe et se projette vers l’avenir. 

Quel est votre bilan pour l’année écoulée ? 

Anthony Afflelou : Au terme de l’année fiscale 2023 (août 2022 à juillet 2023),  nous confirmons une croissance de 6% de notre chiffre d’affaires. Notre premier marché reste la France – 800 magasins d’optique et 380 centres audio -, où l’activité optique a enregistré une croissance de 6,4 %, dépassant la croissance globale du marché de l’optique. On affiche également une large progression en Espagne, notre deuxième marché,  avec 10,5% (audio + optique) de croissance et 156 millions d’euros de chiffre d’affaires. Notre groupe se positionne 2 points au-dessus du niveau du marché en France et 6 points en Espagne. 

Comment est construit le modèle de votre entreprise ? 

A. A. : Notre modèle repose sur celui des franchises (90% de nos magasins). Nous sommes aujourd’hui le premier franchiseur en termes de points de vente en Europe continentale. L’international offre aussi de nouvelles opportunités, nous sommes présents dans 19 pays. Notre business model s’exporte facilement et permet de répondre au mieux aux problématiques locales grâce à notre proximité avec nos franchisés. En clair, un opticien ou un acousticien partenaire est propriétaire de son magasin. Il doit néanmoins suivre certaines règles en termes d’assortiment produits et de politique commerciale pour assurer un réseau homogène. Nos franchisés sont libres de proposer les marques qu’ils souhaitent, mais ils ont aussi l’obligation de distribuer la nôtre. Cela nous offre un positionnement assez fort puisque nous proposons les meilleures marques (dont certains made in France ou labellisées OFG) tout en se différenciant via les produits de notre marque propre comme par exemple notre dernière collection Caractères dotée de notre concept phare Magic. Deux paires de Magic sont vendues chaque minute. 

2023 a également été l’année où nous avons décidé de faire converger nos deux activités : Alain Afflelou Opticien et Alain Afflelou Acousticien. Désormais, dès lors que nous communiquons, nous signons Alain Afflelou Opticien et Acousticien.

Vous êtes surtout connus pour votre activité d’optique : pouvez-vous revenir sur celle d’acousticien ? 

A. A. : Nous nous sommes lancés sur le secteur de l’audition en 2011 et nous avons connu une croissance exponentielle. En France, nous possédons 380 centres : 100 sont exclusivement dédiés à l’audition, les autres sont intégrés dans nos magasins d’optique (sous la forme de corners) pour la simple est bonne raison que 100% des malentendants ont besoin de lunettes. 

Nous essayons de dédramatiser le fait de porter des aides auditives, comme nous avons pu le faire avec les lunettes. On s’appelle acousticiens et pas audioprothésistes, on parle d’aide auditive et pas de prothèse auditive car nous avons constaté que le sujet était toujours aussi tabou.  La moyenne d’âge est de 70 ou 72 ans pour les porteurs d’aides auditives alors que les premières pertes d’audition apparaissent vers 62 ou 63 ans. Il y a toujours cette réticence à aller s’appareiller. D’où notre volonté de dédramatiser. 

Dans ce cadre, la nouvelle technologie joue un rôle très important. Désormais, les aides auditives se transforment également en objet connecté et en véritable assistant de vie. Elles procurent des données de santé et médicales très précises. Nos nouvelles aides auditives de marque Incognito possèdent également un détecteur de chute qui permet d’alerter les proches si la personne reste immobile. 

Vous avez également utilisé les nouvelles technologies pour lancer un service de téléconsultation il y a quelques mois, avez-vous assez de recul sur cette nouvelle activité ? 

A. A. : Depuis son lancement il y a un an, plus de 10 000 téléconsultations sur l’année 2023 ont été réalisées – cent cinquante de nos magasins proposent le service. Notre priorité était de renforcer notre système de santé en réduisant les délais d’attente et les déplacements souvent nécessaires au sein de ces zones de déserts médicaux. En répondant à cette problématique, notre service de téléconsultation démocratise l’accès aux soins visuels. Nous disposons d’une borne qui permet aux patients de réaliser une consultation à distance avec un orthoptiste puis un ophtalmologiste. Deux machines sont connectées à la borne : l’une permet de faire un test visuel, l’autre permet de détecter d’éventuelles pathologies. En trente minutes, le patient ressort avec un rapport et une ordonnance si nécessaire. Évidemment, il n’a aucune obligation d’achat dans le magasin. 

Vous avez pris les rênes du groupe familial, cela suppose un changement de stratégie marketing, votre père ayant représenté le visage de la marque pendant 50 ans…

A. A. : La présence de mon père dans les publicités était légitimée par sa casquette d’opticien et d’audioprothésiste. Il parlait aux téléspectateurs comme à un client, en qualité de professionnel. 

L’année dernière, nous avons transformé tout notre dispositif de communication. Nous avons arrêté de travailler avec des égéries que ce soit en optique ou en audio. Alain Afflelou est une marque universelle et joyeuse. Il y a ce côté “plaisir » qu’on essaye de mettre en avant dans nos nouveaux spots publicitaires. Nous voulons parler à des personnes de tous les âges, de tous les types : des jeunes de 20 ans qui ont besoin de lunettes comme des sexagénaires qui ont besoin d’aides auditives. L’idée c’est de parler sous une seule et même tonalité donc c’est important de donner de la cohérence entre notre communication optique et audio. 

Quels sont vos objectifs pour 2024 ? 

A. A. : Nous souhaitons consolider nos marchés en Europe (France, Espagne, Belgique, Suisse et  Portugal) et continuer notre implantation dans les pays francophones d’Afrique du Nord et au Moyen-Orient. 

Ne craignez-vous pas que le contexte économique morose pèse sur vos activités ?

A. A. : Nous sommes dans une situation d’instabilité économique mais nous sommes positionnés sur un marché résilient.  Nous avons montré par nos résultats notre résistance en 2023. On est reparti sur les mêmes bases pour le premier trimestre 2024, avec 5,4% de croissance de chiffres d’affaires par rapport au premier trimestre 2023. On prend des parts de marché sur tous les territoires où nous sommes implantés. 

Nous prévoyons d’ouvrir 50 magasins. Pour ceux qui auraient des difficultés à entreprendre dans cette période compliquée et avec la remontée des taux d’intérêts, on propose une solution unique : Adelante (« en avant » en espagnol). Nous effectuons une avance aux franchisés pour qu’ils puissent avoir les apports nécessaires pour faire un emprunt à la banque afin d’ouvrir leurs magasins. C’est un système qui a permis l’ouverture d’une trentaine de magasins lors des cinq dernières années. Le dispositif est amené à se démocratiser.

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