Ancien galeriste international, vous vous présentez comme collectionneur d’art.
Charles Riva : J’ai débuté dans ce métier très jeune, à 23 ans, en ouvrant en 1998 ma propre galerie à New York, la Riva Gallery, puis à Paris et à Londres avec deux marchands qui venaient de chez Larry Gagosian qui est l’une des plus importantes galeries d’art contemporain au monde. Au bout d’une dizaine d’années, j’ai fait le constat que le business modèle des galeries était voué à l’échec. Le marché a beaucoup évolué avec la place qu’a pris le numérique via les réseaux sociaux comme Instagram et l’achat d’œuvres en ligne. C’est un business complètement différent et plus compliqué.
Comment évoluent ces galeries ?
C.R. : Les petites galeries n’arrivent pas à exister en face de mastodontes qui occupent presque deux tiers du marché et attirent les artistes en leur faisant miroiter une très belle exposition. L’envers du décor, c’est le retour sur la rentabilité à court terme qu’imposent certaines galeries : elles font pression sur les artistes ou s’en débarrassent sans se poser plus de questions. Sans oublier tous les frais que doit assumer un galeriste : les coûts de transport pour envoyer les œuvres, la présence dans les foires contemporaines, ou encore l’hôtellerie pour accueillir l’artiste. Tout cela est trop coûteux pour les petites galeries.
Peut-on dire que vous êtes un marchand collectionneur ?
C.R. : J’ai cette particularité d’être un collectionneur qui revend, ce qui n’est pas habituel et heurte parfois les marchands. En réalité, la collection que j’ai créée me sert de vitrine auprès de mes clients, mais aussi de label, car c’est plus crédible de les conseiller sur ce qu’il faut avoir ou acheter si j’ai fait moi-même ces placements. Les œuvres que j’achète doivent former un groupe cohérent comme les pièces d’un puzzle que j’appelle un « group show » : je choisis chaque pièce qui complétera un ensemble cohérent en termes artistiques. Cela prend parfois des années avant d’aboutir à la collection parfaite.
Comment faites-vous vos choix d’investissement dans l’art ?
C.R. : À l’opposé des gens qui achètent un artiste quand ils le voient dans un musée. Parce que c’est au moment où il devient célèbre que je commence à vendre ses œuvres. C’est ainsi que j’ai démarré ma première collection en 2002, avec des photographies d’artistes comme Helmut Newton ou Thomas Roof qui étaient encore en vie et accessibles. En vendant mes photos, j’ai réinvesti dans les dessins d’artistes célèbres à une époque où cela n’intéressait personne. Et ainsi de suite, j’ai vendu les dessins et je me suis acheté des tableaux en me concentrant sur les choses que j’aimais bien : Keith Haring, Thomas Croft, ou François-Xavier Lalanne qui, à l’époque, ne valait rien…
KABDEL MEDIA