« Tout se passe bien. Nous en sommes aux derniers préparatifs et resterons en stage jusqu’au 23 juillet avec l’équipe de France de natation au pôle d’entraînement de Vichy [qui accueille trente-cinq équipes de neuf nations différentes, NDLR]. Ensuite, nous partirons directement pour le village olympique », explique Emma Terebo. Championne de France 2024 du 100 mètres et du 200 mètres dos, elle brille par son talent et sa détermination. Son compagnon, Hadrien Salvan, triple champion de France du 200 mètres nage libre (en 2021, 2022 et 2024), confirme son excellence et sa régularité au plus haut niveau.
Tous deux internes à l’Insep depuis 2021, ils ont préparé les Jeux olympiques tout en vivant une histoire d’amour naissante. « C’est parti d’une amitié, et ça a évolué jusqu’à ce que l’on se mette en couple », explique Emma Toredo. « Nous nous sommes toujours dit que c’était une mauvaise idée d’avoir une relation amoureuse avec quelqu’un dans le groupe à l’Insep, poursuit Hadrien Salvan. Nous formons une véritable bande d’amis. Ce n’était peut-être pas le bon moment de se mettre en couple, au cas où cela ne fonctionnerait pas. Le haut niveau est un chemin assez personnel, parfois égoïste. Mais, en même temps, avec Emma, nous passons beaucoup de temps ensemble et nous nous entendons super bien. Petit à petit, nous n’avons pas pu résister à l’affection qui grandissait entre nous. » Emma confirme : « Oui, c’est ça. Nous ne voulions pas compromettre les chances de l’un et l’autre de performer au meilleur niveau. Mais, finalement, nous nous sommes dit : “Pourquoi pas ?” On ne va pas lutter contre ce que l’on ressent. »
« Nous nous sommes qualifiés le même jour »
En plus de s’entraîner deux fois par jour dans les mêmes structures, Emma, 26 ans, et Hadrien, 25 ans, se côtoient presque 24 heures sur 24. La préparation pour les JO est leur priorité absolue, la base de tout. Au quotidien, ils estiment que c’est finalement plus simple que s’ils partageaient leur vie avec quelqu’un qui n’est pas plongé dans un engagement aussi prenant. « L’avantage énorme, c’est que nous partageons des moments de vie incroyables. Nous nous sommes qualifiés tous les deux pour les JO le même jour. Lors des Championnats de France de natation, le programme faisait que le 200 mètres nage libre messieurs était à 18 h 18, suivi du 100 mètres dos dames trois minutes plus tard. »
Emma se souvient : « J’étais en chambre d’appel, les yeux rivés sur l’écran, regardant sa course, et je n’attendais qu’une chose : qu’il touche le mur. Quand je l’ai vu se qualifier et surtout gagner la course, c’était incroyable. Cela m’a vraiment boostée et complètement libérée. Juste après, j’ai gagné le 100 mètres dos et battu le record de France en 58 s 79. Lorsque j’ai fini ma course, Hadrien était encore au bord du bassin. Nous nous sommes sautés dans les bras, tellement contents l’un pour l’autre. En un instant, tous nos doutes se sont envolés. »
« Ça devait être ma dernière compétition de natation »
Après avoir obtenu son bachelor en relations internationales et passé trois années sur le circuit NCAA de l’université de Floride, aux États-Unis, Emma Terebo se préparait à rentrer en Nouvelle-Calédonie, sa terre natale. Elle envisageait ensuite de s’envoler pour l’Australie afin de poursuivre ses études. Pourtant, en juin 2021, sans entraîneur à ses côtés, elle se présente aux Championnats de France de natation à Chartres. Dans un effort teinté de désinvolture, elle termine à la 7e place de la finale du 100 mètres dos, réalisant un temps de 1 minute, 2 secondes et 49 centièmes. Elle se trouve alors à plus de deux secondes derrière l’Anglaise Louise Hansson, première de la course, et la championne de France, Béryl Gastaldello (1’00 »39). « Ça devait être ma dernière compétition de natation. J’y suis allée vraiment pour le fun », confie-t-elle.
Mais son talent ne passe pas inaperçu aux yeux de Michel Chrétien, l’entraîneur de Maxime Grousset – lui aussi originaire de Nouvelle-Calédonie et médaillé d’argent sur le 100 mètres libre aux Championnats du monde de Budapest en 2022. Michel Chrétien, qui perçoit le potentiel d’Emma, la persuade de rejoindre son groupe à l’Insep et d’abandonner ses projets initiaux. C’est ainsi que l’avenir de la nageuse d’Amiens métropole natation prend un tournant inattendu, marqué par la promesse de nouveaux sommets à atteindre.
Il renonce à son master faute d’aménagement
« J’ai beaucoup moins voyagé qu’Emma, confie Hadrien. J’ai grandi dans le 19e arrondissement, puis le 20e, et maintenant je suis à l’Insep, dans le 12e. C’est à peu près tout ce que j’ai connu du monde. » Hadrien commence la natation à l’AS Bouvine, un modeste club de quartier doté d’un groupe de compétition. Il y reste jusqu’à ses 18 ans, atteignant un niveau régional. « À Paris, le problème, c’est qu’il n’y a pas beaucoup d’horaires aménagés. J’étais donc limité dans mon temps d’entraînement. Le maximum, c’était une fois par jour, le soir après les cours. Et c’est ce que je faisais, tout en rêvant déjà des JO, mais sans en avoir les moyens. » Après le lycée, Hadrien intègre une licence de gestion à Paris-Dauphine. « Là, j’ai pu suivre un parcours pour les sportifs de haut niveau, étalant ma licence sur cinq années, ce qui m’a permis de progresser rapidement. » À ce moment-là, il change de club pour un autre situé dans le 19e arrondissement. En deux ans, il intègre sa première équipe de France et atteint un niveau qui lui permet de rejoindre l’Insep en septembre 2019. Avec sa licence en poche, Hadrien souhaite poursuivre ses études, mais il doit y renoncer. « J’ai essayé d’aménager mon master pour les JO de Tokyo, mais j’ai vite compris que ce serait impossible, faute de moyens suffisants. Paris-Dauphine est très loin de l’Insep et il n’y avait pas de cours en distanciel. J’ai donc dû abandonner mes études. » Après les Jeux olympiques, Hadrien espère reprendre son master en économie et affaires internationales. De son côté, Emma, policière, poursuivra une prépa pour intégrer l’Edhec.
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Une chambre commune au village olympique ?
À l’Insep, Emma et Hadrien font chambre à part. « Nous n’allons pas forcément nous coucher à la même heure. Moi, je suis plutôt du genre à veiller un peu plus tard que lui. Et, du coup, c’est bien d’avoir chacun son espace. Et puis, comme nous nous voyons souvent, c’est bien aussi d’avoir chacun son chez-soi. » Dans les couples, les petites brouilles sont inévitables. « Parfois, nous nous prenons la tête, car il est impossible d’être toujours en accord. Avec la fatigue et la pression, c’est normal que cela éclate de temps en temps, mais cela ne dure jamais longtemps. Comme nous partageons les mêmes problématiques, nous nous comprenons mutuellement. »
Il ne faudra pas compter sur une chambre commune au village olympique. « Ce n’est pas mixte. Il y a un certain nombre d’appartements réservés à l’équipe de natation et, dans chaque appartement, il y a des chambres doubles. En équipe de France, nous avons toujours les mêmes colocataires. Hadrien partage la chambre du Dijonnais Roman Fuchs, sélectionné pour le relais 4 x 200 mètres nage libre, et Emma, celle de Charlotte Bonnet, la capitaine de l’équipe de France de natation. »
Avoir de beaux ongles pour la compétition
Le couple vise une place en finale. « L’important est de ne pas se mettre de barrières. Nous sommes chez nous et nous aurons le public avec nous. Il faudra nager à notre plus haut niveau, ça, c’est sûr. Mais, une fois en finale, tout est permis, tout est possible. » Hadrien ajoute : « Nous travaillons beaucoup. Les JO, c’est juste un moment d’expression de ce travail. Tant que nous sommes à notre meilleur niveau à ce moment-là, nous n’aurons aucun regret. Après, le résultat final dépend aussi des performances des autres athlètes. » Un gri-gri pour se porter chance ? « Il y a des routines que nous faisons inconsciemment. La pression de la course m’amène à répéter les mêmes gestes avant la course. Si je ne les fais pas, je vais me rater. Mais je pense qu’il est important de ne pas être tributaire de croyances limitantes. » Emma, pour sa part, soigne sa manucure : « Il y a une chose que j’aime bien faire avant chaque compétition, ce sont mes ongles. J’adore avoir de beaux ongles pour la compétition. Cela me met de bonne humeur et ça me fait plaisir. Je pense que ça joue sur ma course. »
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