De fait, 2016 a donc été une année qui a permis au Maroc de s’inscrire définitivement sur la carte de la planète verte. D’abord en inaugurant la plus grande centrale solaire d’Afrique à Ouarzazate, avec une capacité installée de 580 MW, puis en accueillant à Marrakech les chefs d’États du monde entier venus participer à la COP22. Tout cela explique pourquoi le Maroc se trouve aujourd’hui dans le top 10 des pays les plus performants, selon l’indice de performance du changement climatique au titre de l’année 2022. Notre capacité de production s’est établie aujourd’hui à 4 GW et, bientôt, avec les projets en cours de réalisation, on pourrait y ajouter 3,5 GW supplémentaires. Objectif visé : atteindre 52 % du mix énergétique en 2030, contre 40 % actuellement. À terme, le Maroc, premier producteur d’énergies renouvelables en Afrique, pourrait se transformer en pays exportateur de celles-ci.
Cependant, le choc brutal, dû à l’enclenchement du conflit en Ukraine en 2022, est arrivé jusqu’au Maroc. Malgré la distance d’un point de vue géographique, l’impact de la guerre pour un pays non producteur de pétrole et très faible producteur de gaz et de charbon était inédit : le prix du Brent s’est accru de 41,7 % et ceux du gaz et du charbon ont plus que doublé. Une situation à laquelle s’ajoute la récurrence des phénomènes climatiques extrêmes, en particulier la vague de sécheresse, une des plus sévères des quatre dernières décennies. Ainsi, deux priorités ont été définies à l’issue de la réunion de travail présidée par Sa Majesté, le 22 novembre 2022, à Rabat : accélérer la réalisation des trois projets d’énergie solaire Noor Midelt, attirer davantage d’investissements nationaux et étrangers dans le secteur, et élaborer une « offre Maroc » couvrant l’ensemble de la chaîne de valeur de la filière de l’hydrogène vert. D’ailleurs, parmi les grandes orientations royales contenues dans le dernier discours du Trône prononcé en juillet, il faut noter : « Entreprendre la mise en œuvre rapide et qualitative de ce projet. » L’objectif est de « valoriser les atouts dont dispose notre pays en la matière » et de « répondre au mieux aux projets portés par les investisseurs mondiaux dans cette filière prometteuse ». Le programme d’investissement vert du groupe OCP, dont les grandes lignes ont été annoncées le 3 décembre 2022, s’inscrit également dans ce cadre. Son plan inédit de 13 milliards de dollars devrait permettre au groupe, d’ici 2027, d’alimenter l’ensemble de son outil industriel en énergie verte et ainsi d’atteindre la neutralité carbone avant 2040.
C’est tout le Maroc qui passe désormais au vert, y compris les trains. Annoncée par l’Office national des chemins de fer (ONCF), le TGV Al Boraq est, depuis le 1er janvier 2022, le premier train à offrir des voyages écoresponsables à l’énergie 100 % éolienne. La production de la voiture « Hydrogen Utility Vehicle », dont le lancement industriel est prévu en 2027, constitue une opportunité de taille pour le royaume qui s’organise pour jouer un rôle de premier plan dans l’approvisionnement mondial en énergie verte via l’hydrogène.
Le roi Mohammed VI a affirmé une priorité sociale dans son dernier discours du Trône. Cette annonce a-t-elle été suivie d’effets ?
N.F. : En effet, les nouvelles directives de Sa Majesté nous ont servi de base pour guider notre action gouvernementale, notamment au niveau du Projet de loi de finances pour l’année 2024, dont la note d’orientation, publiée le 4 août, s’inscrit dans la continuité de ce qui a été réalisé jusqu’à présent par notre gouvernement. En tête de notre agenda : faire face aux enjeux de la conjoncture et réduire leurs effets directs sur l’économie nationale et le niveau de vie des citoyens. Concrètement, une enveloppe budgétaire de 10 milliards de dirhams a été déployée, durant l’année en cours, pour le soutien aux produits de base, aux aliments pour le bétail et la volaille et aux matières premières agricoles importées.
Des mesures qui illustrent la volonté de l’exécutif de stabiliser l’économie. Et pour preuve, le Maroc a réussi à maîtriser la hausse généralisée des prix, en la maintenant bien au-dessous de la moyenne mondiale. Malgré une inflation mondiale qui devrait s’établir à 6,8 % en 2023, selon les projections du FMI, le taux d’inflation dans notre pays devrait s’établir à un niveau autour de 5,6 % au terme de cette année, avant de revenir à 3,4 % en 2024 puis à moins de 2 % à partir de 2025. Le taux de croissance économique devrait passer de 3,4 % en 2023 à 3,7 % en 2024. Dans ce contexte, une réduction progressive du déficit budgétaire à 4 % est prévue d’ici l’année prochaine, afin de mettre les finances publiques sur la voie de la réduction de la dette.
Le second axe concerne la mise en œuvre des multiples chantiers de réformes pour implémenter l’État social. Le gouvernement s’apprête à lancer le dispositif des allocations familiales avant la fin de l’année en cours, à travers le Registre social unifié (RSU), mécanisme de ciblage des ménages pauvres et démunis. En parallèle, les chantiers de la santé et de l’éducation, pierre angulaire de l’État social, sont aussi pris à bras-le-corps. Ainsi, les projets de construction et d’équipement des structures hospitalières de Rabat, Agadir, Laâyoune, Errachidia, Beni Mellal et Guelmim vont se poursuivre et plus de 1 367 centres de santé primaires seront réhabilités. Il en va de même pour la réforme de l’éducation, qui va se poursuivre avec la feuille de route 2022-2026, tout en visant la généralisation de l’enseignement préscolaire d’ici 2028.
Vous venez vous-même du monde de l’entreprise. Êtes-vous satisfaite de l’attractivité du Maroc ?
N.F. : En se basant sur les flux nets des investissements directs étrangers, qui ont atteint l’équivalent de 1,6 % du PIB en 2022, malgré le contexte international incertain, je trouve que le Maroc jouit d’une bonne attractivité de l’investissement étranger. Et ce n’est que le résultat des stratégies sectorielles orientées vers l’export, qui ont encouragé de nombreuses firmes multinationales à s’installer au Maroc. C’est dans ce cadre que s’inscrit la nouvelle charte d’investissement, qui devrait renforcer l’attractivité du royaume à même d’en faire un pôle continental et international dans le domaine des investissements directs étrangers (IDE).
Par ailleurs, une analyse élaborée par Bank Al-Maghrib, en février 2022, sur la situation de l’investissement souligne qu’un flux net de près de 22 milliards de dirhams a été enregistré annuellement sur les seize dernières années, soit l’équivalent de 2,6 % du PIB en moyenne. Il s’agit pour la banque centrale d’une performance proche de la moyenne mondiale et supérieure à celle du groupe des pays à revenu intermédiaire auquel le Maroc appartient. Le niveau d’investissement observé au Maroc est équivalent à celui observé dans les pays ayant accompli des « miracles économiques ». Cela a permis au Maroc de se positionner aujourd’hui comme étant le deuxième pays africain le plus attrayant pour les investisseurs, selon le dernier indice de confiance des investissements directs étrangers 2023, FDI Confidence Index de Kearney. Le royaume est également le deuxième investisseur africain à l’étranger en 2022, avec 615 millions de dollars, comme l’indique le rapport sur l’investissement dans le monde publié par la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement en 2023.
Pour beaucoup d’entreprises françaises, notamment, c’est le hub vers l’Afrique… La stabilité du pays liée au régime monarchique est-elle la clé des succès économiques et politiques du Maroc ?
N.F. : Dans une région où la stabilité institutionnelle ne représente pas tout à fait la norme, le Maroc, étant la plus ancienne monarchie exécutive au monde, fait figure de pays modèle en la matière. À l’origine de sa montée en puissance politique et économique sur la scène internationale, cette stabilité est incarnée par Sa Majesté. S’il y a un élément qui fait l’unanimité auprès de tous les Marocains, c’est bien la place que la monarchie occupe dans la vie politique du pays, comme expliqué par la Commission ad hoc qui a élaboré le Nouveau modèle de développement : « L’Institution monarchique est la clé de voûte de l’État, le symbole de l’unité de la Nation, garante des équilibres, porteuse de la vision de développement et des chantiers stratégiques de temps long et du suivi de leur exécution au service des citoyens. »
Sur le plan spirituel, la monarchie marocaine, en sa qualité de Commanderie des croyants, joue un rôle inédit dans la promotion de l’islam modéré, dans une région en proie au radicalisme et à l’extrémisme religieux. C’est dans ce cadre que le Maroc a créé en 2015 l’institut Mohammed VI de formation des imams qui forme les prédicateurs venus de divers pays [notamment de France]. Cet élan de la diplomatie spirituelle marocaine a renforcé notre positionnement en Afrique, permettant au Maroc de devenir un acteur incontournable dans le continent.
Vous êtes la première femme à occuper ce poste prestigieux. Avez-vous le sentiment d’incarner les progrès du Maroc en matière d’égalité hommes-femmes ?
N.F. : Tout d’abord, je suis honorée de participer à ce grand moment de la vie politique marocaine et de témoigner des transformations profondes que connait le Maroc, notamment en matière d’égalité hommes-femmes. Notre pays s’est résolument engagé, depuis deux décennies, à intégrer les femmes dans son processus de développement. Ma position de première femme à occuper le poste de ministre de l’Économie et des Finances en est le parfait exemple.
Il faut dire que je suis impressionnée par le saut qualitatif qu’a fait le Maroc sur des sujets sociaux et sociétaux d’importance majeure, parmi lesquels la place et le rôle de la femme au sein de la société. Et aujourd’hui, nous faisons un pas de plus dans la marche vers la modernité avec l’annonce de l’acte II de la Moudawana en juillet 2022. Cette refonte nécessaire du Code de la famille sera l’occasion de remédier aux lacunes observées au niveau de l’application de la législation car, dans le Maroc d’aujourd’hui, il n’est plus possible que la femme soit privée de la pleine jouissance des droits légitimes que lui confère la loi, comme le souligne le discours du Trône marquant les 23 ans de règne de Sa Majesté.
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