Portrait | A la tête d’une marque florissante et jury dans l’émission Qui veut devenir mon associé ?, Kelly Massol, créatrice de la marque Les Secrets de Loly a su imposer le soin pour cheveux texturés dans une industrie encore marquée par de nombreux stéréotypes. Grâce à elle, ce sont des centaines de milliers de femmes qui assument désormais leurs cheveux à petites et grandes boucles. Celle qui se cache derrière la marque numéro un sur le marché des cosmétiques pour cheveux naturels, n’était pourtant pas prédestinée à arriver où elle en est.
Exit les couleurs flashy qu’elle arbore sur les réseaux sociaux : c’est habillé sobrement – tout de beige vêtue -, que Kelly Massol s’est confiée, auprès de Forbes. En visioconférence, à la cool dans son salon, la « Big Boss du Hair care », à la tête d’une marque dont le chiffre d’affaires a été évalué en 2023 à 70 millions d’euros, n’a pourtant pas toujours connu le succès. Tout sourire sur ses réseaux sociaux, elle tient à transmettre cette énergie dans l’ADN de sa marque, en proposant des produits aux odeurs gourmandes et coloré, à l’image de ses ongles rose Barbie. « L’ADN de marque, c’est des textures agréables, de bonnes odeurs. C’est un packaging coloré, tout comme moi, et un peu cash. Il n’y a pas de suremballage, il n’y a pas de faux semblants. La marque correspond à mon état d’esprit ».
De téléconseillère à entrepreneuse importante, Kelly Massol, 40 ans, est aujourd’hui à la tête d’une marque de cosmétiques capillaires avec plus de 20 salariés, une large gamme de produits, le tout commercialisé dans 4 000 points de vente et vendue à travers 56 pays dans le monde. La nouvelle papesse des cheveux texturés est aussi une des têtes d’affiche de l’émission phare de M6 sur l’entreprenariat, Qui veut devenir mon associé ? Forte de son succès, elle partage l’écran aux côtés de personnalités influentes comme Tony Parker et Marc Simoncini. Femme noire, « curvy » comme elle le dit elle-même, qui assume ses cheveux naturels, Kelly brise les codes des standards féminines dans le petit écran, n’en déplaise à certains. « Au début, on vous dit que vous avez réussi par chance. Ensuite, on vous dit que c’est parce que vous savez bien vous entourer. Finalement, ce n’est pas vraiment vous, ce sont peut-être les gens que vous embauchez. Pour terminer, on va vous demander si vous arrivez à conjuguer tous les plans de votre vie, familial et professionnel. Je pense qu’on pose ce genre de questions à des femmes, et qu’on ne les poserait pas à des hommes. Les gens sont surpris qu’une petite gonzesse ait réussi à fédérer un marché. » En signe de son succès, l’entreprise atteint en 2022, 16 millions d’euros de chiffres d’affaires et affiche 565% de croissance, rien que ça. Des chiffres exponentiels qui assoient un peu plus l’empire « Loly » dans le marché du cheveu.
Une entrepreneuse qui (ne) défrise (pas)
Pas rassasiée pour autant, la PDG planche sur un nouveau projet : l’ouverture dans le 7 arrondissement de Paris de « l’Académie », un établissement pour former les coiffeurs aux cheveux texturés, afin de permettre une fois encore la reconnaissance du cheveux naturels dans l’industrie. « On existe depuis 15 ans, à l’heure actuelle, on a 17 produits. On a entre guillemets, juste démontré qu’il y avait un vrai marché à prendre. Maintenant, on va exécuter et on va dérouler. Là, on rentre dans le vif du sujet pour Les Secrets de Loly. » Une ambition extrêmement présente en ce début d’année pour la quadragénaire, qui vient tout juste d’inaugurer les nouveaux locaux de sa « LSL Team », comme elle l’appelle. Des locaux tout rose bonbon, à l’image du look de sa créatrice. Les Secrets de Loly affichent une valorisation à près de 70 millions d’euros sur l’année 2023, un chiffre qui présage de beaux jours pour Loly et toute son équipe.
Ne dites surtout pas à Kelly Massol que son succès est dû à la chance. Née à Paris, dans une famille modeste et placée en famille d’accueil à l’âge de 15 ans, Kelly reconnaît que son enfance est “surtout le reflet de quelque chose qui montre qu’on peut partir avec pas mal de points négatifs, et pourtant arriver à faire de belles choses, à partir du moment où on fait de bons choix”.
Des bons choix, comme par exemple comprendre que ces femmes délaissées par les coiffeurs traditionnels représentaient une clientèle forte et un business à saisir. Pour ce boute-en-train, tout débute par un constat personnel simple : en tant que femme noire aucun produit n’est adapté à sa nature de cheveux dans le commerce. En tout cas, aucuns produits sains. Chimiste amatrice, elle commence dans sa cuisine à créer ses propres soins à base d’ingrédients naturel. Une seule conviction : des cheveux sains dans un corps sain. Tout y passe, huile de jojoba, avocat, mangue, aloe vera. Telle une chef pâtissière, Kelly prépare ses mélanges parfaits. En parallèle de ses premières concoctions, elle crée en 2004, à 21 ans, une association et un forum en ligne, nommé Boucle et Coton, qui a pour objectif d’aider les femmes à enfin mieux appréhender leurs cheveux naturels. « A l’époque, on était déjà parti sur le constat qu’il n’y avait pas assez de représentations, pas assez de bons produits. Dans l’association, on militait dans les écoles ou ailleurs pour aider les femmes à arrêter les défrisages. »
La revanche de la boucle
A cette époque, le cheveu crépu est moqué, les femmes qui frisent sont discriminées et l’appel du défrisage est souvent bien plus fort qu’un afro assumé. Ça, Kelly en a conscience et pour elle, il faut que ces pratiques changent. En 2009, âgée de 25 ans, elle crée Les Secrets de Loly avec un capital de 1500 euros. Sans réseau et sans grandes économies, la petite fille de quartier populaire rêve grand. Confiante en son projet, l’entrepreneuse quitte même en 2012, son travail de fonctionnaire (elle était téléconseillère à la sécurité sociale) pour se consacrer à son entreprise. Malheureusement, c’est la douche froide. Malgré un marché presque certain, Les secrets de Loly peine à se faire connaître du grand public. La distribution des produits pose problème. La gamme n’est pas trouvable dans les commerces ou chez le coiffeur du coin, seulement quelques professionnels la proposent à la vente. Pour l’heure, la marque ne rencontre pas ses « lolys » (nom de la communauté de clientes) et qui plus est, l’entreprise subit le syndrome des femmes noires « qui ont honte de leur cheveux ». En 2012, il leur est toujours impensable d’assumer leurs volumes. La boucle et l’afro XXL détonnent complètement avec le blond californien « baguette » (cheveux lisses) de Taylor Swift en vogue à ce moment-là.
Le cerveau en ébullition, Kelly Massol doit faire face à un dilemme : comment réussir à commercialiser des produits pour cheveux bouclés, crépus et afros alors que les clientes n’ouvrent plus la porte des coiffeurs traditionnels, par peur de voir leurs cheveux être malmenés ? Pour vendre, il lui faut mieux appréhender le marché. Les Secrets de Loly misent donc sur la pédagogie auprès de leurs clients. Tuto pour apprendre à utiliser les produits, rencontre pour découvrir la gamme et interviews avec des femmes qui assument leurs cheveux naturels : le cocktail est explosif. La stratégie paie et l’entreprise réalise 500 000 euros de chiffre d’affaires en 2015. Alors fini les mixtures « homemade » de loly et bonjour l’industrialisation de la marque. La CEO abandonne l’artisanat pour produire plus maintenant qu’elle a trouvé sa clientèle. « Les valeurs de la marque ont toujours été le partage, l’amour, la bienveillance, l’empowerment et le naturel. Ce sont des clés qu’on a dans la marque, dans notre façon de communiquer avec les clientes. On partage énormément, on est généreux en information. On veut les accompagner et les conseiller ». L’entreprise qui porte le nom que lui attribuait son oncle quand elle était enfant « Loly » devient alors leader d’un marché sur lequel personne avant elle n’avait misé.
KABDEL MEDIA
