La France retient son souffle. Victime d’une fracture du zygoma le 21 septembre, Antoine Dupont a été opéré en urgence le lendemain par le professeur Frédéric Lauwers, chef du service de chirurgie maxillo-faciale et plastique de la face au Centre hospitalier universitaire (CHU) de Toulouse, en vue de la Coupe du monde de rugby et de l’échéance fatidique du quart de finale face à l’Afrique du Sud, dimanche soir prochain à Saint-Denis. Alors qu’il a eu le feu vert pour reprendre l’entraînement mardi, sera-t-il en état d’être sur le terrain pour guider la France vers la victoire ?
En attendant la réponse vendredi, avec l’annonce de la composition par le sélectionneur Fabien Galthié, Roman Hossein Khonsari, chirurgien dans le service de chirurgie maxillo-faciale et chirurgie plastique de l’hôpital Necker – Enfants malades (Assistance publique – Hôpitaux de Paris) et professeur à la faculté de médecine de l’université de Paris, nous répond.
Le Point : Antoine Dupont a eu le feu vert du chirurgien qui l’a opéré le 22 septembre dernier pour reprendre « une activité physique progressive dirigée », sous le « contrôle du staff médical du XV de France ». Est-ce que cela signifie qu’il est apte à reprendre la compétition dès à présent ?
Dr Khonsari : Il est apte à la compétition. Antoine Dupont souffre d’une fracture du zygoma qui a été opérée par mon collègue de Toulouse. Cette fracture est assez limitée. Il est certain que la fracture n’est pas totalement consolidée mais toutes les décisions en médecine sont une affaire de bénéfices et de risques.
Dans le pire des cas, s’il se prend un coup sur la zone opérée, il y aura un déplacement de la fracture et il faudra éventuellement le réopérer. Mais il ne peut pas y avoir de grand drame. Dans un contexte comme la Coupe du monde de rugby et un quart de finale face à l’Afrique du Sud, il est possible de prendre le risque qu’il joue. Ce n’est pas une zone où un déplacement de la fracture pourrait entraîner un grand désastre.
Un de vos confrères nous avait récemment expliqué qu’un nouveau choc pourrait lui faire perdre éventuellement la vue. Ce risque est-il aujourd’hui exclu d’après vous ?
Tout est possible en médecine, mais on note rarement des cas de cécité après des fractures du zygoma. C’est peu probable d’après moi. Il peut y avoir une fracture du plancher de l’orbite, l’os qui se situe sous l’œil. Généralement, ces fractures ne génèrent pas de troubles visuels. À la rigueur des troubles d’oculomotricité, c’est-à-dire du mouvement des yeux. On peut raisonnablement penser que même en cas de nouveau choc, Antoine Dupont ne risque pas de perdre la vue.
C’est une situation assez fréquente en chirurgie maxillo-faciale. Hors cadre sportif, on reçoit régulièrement des patients dans ce cas, avec une fracture de la face. Ce sont souvent des patients qui se sont battus. Il arrive souvent que ces gens récidivent, avec un traumatisme qui revient, car les patients ont de nouveau reçu un coup avant la consolidation totale de la fracture.
On a vu Antoine Dupont s’entraîner cette semaine avec un casque. Vous connaissez ce type de protection ? Est-ce efficace ?
Ce sont des protections efficaces et elles ont, en plus, un effet psychologique. Quand on porte un équipement de protection, on a tendance à moins se mettre en situation dangereuse. C’est un double effet : protecteur et dissuasif. Tout ce qu’il faut, c’est amortir les chocs et toutes les structures qui répondent à ça sont protectrices.
Antoine Dupont a été opéré le 22 septembre. Le match a lieu le 15 octobre. Peut-on parler d’une récupération express ?
Les patients récupèrent rapidement d’une fracture faciale. La durée théorique de consolidation osseuse est en revanche de six semaines. C’est-à-dire que l’os est revenu dans un état « comme avant ». L’os d’Antoine Dupont n’est donc pas encore consolidé.
À LIRE AUSSI Coupe du monde de rugby : 3 questions sur la blessure d’Antoine DupontJ’ajoute que la pommette n’est pas une zone soumise à des contraintes mécaniques. La consolidation est donc rapide ; il ne marche pas dessus, etc. En général, on recommande aux patients atteints de cette fracture, et qui font des sports de combat ou d’équipe comme le rugby, d’attendre six semaines à deux mois pour reprendre.
D’après vous, Antoine Dupont est-il en capacité de jouer dimanche en quart de finale de la Coupe du monde ?
Ça dépend vraiment des lésions associées, que je ne connais pas. S’il a aussi subi une commotion cérébrale, il peut avoir besoin de plus de repos. S’il s’agit bien d’une fracture du zygoma isolée, sans lésion du plancher d’orbite et qui a été opérée et réduite de manière satisfaisante comme c’est le cas, théoriquement – hors contexte de compétition sportive –, il aurait été dispensé d’activité de contact pendant six semaines.
Mais comme je vous dis : tout est une histoire de balance entre le bénéfice et le risque. Dans la mesure où même s’il reçoit un choc, sa vie ne va pas être en danger, ni ses fonctions visuelles, on peut prendre le risque, dans cette circonstance exceptionnelle d’un quart de finale de Coupe du monde, qu’il reprenne le sport. S’il joue dimanche soir, le risque semble raisonnable.
KABDEL MEDIA